mardi 19 octobre 2010

De longs cheveux bruns

« Ses lèvres font monter les larmes à mes yeux », Robert Desnos, La Liberté ou l’amour !

De longs cheveux bruns à genoux et je sens le poids de cette masse fiévreuse contre ma chair. Tandis que je les regarde osciller de haut en bas dans le miroir, ils prennent un peu vie, s’émancipent du reste du corps qui bouge pour ne devenir plus qu’eux-mêmes. Tous les pores de ma peau se dressent à cette vision : un frisson long comme la nuit. Je distingue leurs caresses infinies, l’unité sourde de leur profondeur. La chevelure actrice ondule et gesticule. Araignée aux longues pattes, elle rampe jusqu’à mes jambes cyniques. Sa machinerie se fait mesquine : elle vient presque étouffer mon corps. Elle frise sous la lourdeur de l’air et, crépue, sa belle irrégularité m’aspire tant qu’elle m’attire...

Je me perds quelque part entre l’infinité éparse des fils noirs et l’unité profonde, dense et dangereuse : ces cheveux me dévoreront-ils ? Pour le savoir, j’y passe la main. Seulement la sensation singulière de leur matière.
Cela leur plait alors : ils me regardent avec défi de toutes les fourches de leurs yeux. Et dès lors, les longs chevaux bruns s’emballent. Les lignes cinglantes que leurs crinières lancent sur la glace m’annoncent la violence de leur danse. Je la sens. Ils continuent leur ronde macabre, toujours, jusqu’à ce que du miroir s’échappe un long reflet. Enfin, ils se soulèvent...
Voilà leur bruneur morte devant la lumière. Alors, ce sont des cheveux blonds qui m’aiment: la lourde volupté pèse contre ma peau.