lundi 8 juin 2009

Des bleuets de mai

Dans les bras des amants, la nuit de mai porte un manteau sombre qui recouvre tout. Enveloppés dans ce fourreau de ténèbres, plus rien n’existe. Tout disparaît : le monde, les règles et la pudeur, et ils ne savent même plus leurs noms – ou peut-être, si, quand ils se le murmurent doucement à l’oreille. Seul l'espace de la chambre, confiné de volupté, demeure dans leurs consciences. Seuls les sens gouvernent. Seuls au monde restent les amants enlacés.
Une lutte fulgurante s’opère entre deux corps en torsion. Une lutte de lumière en tension, dans le clair-obscur lunaire.
Leurs sexes sont deux armes qui se menacent, graves et seules, dans un duel. Ils se retranchent dans leurs pudeurs pour mieux envahir l’autre par surprise. Ils s’assaillent et se dévorent. Leurs mains sont meurtrières et se veulent pressantes. Oppressantes, sur la nuque, elles flirtent avec la mort. Oui, ils veulent voir l’autre céder, n’être plus que du néant, là, dans la chambre. Un seul corps béant qui ne connaît plus rien, qui n’est plus que plaisir et douleur. Un corps qui meure un peu entre les bras de l’autre : voilà ce que les amants veulent.
L’amante oublie tout, ne veut plus que vaincre l’amant avec ses seins, sa peau et ses dents pour qu’enfin il la possède, charnellement et religieusement. Elle le veut par elle, avec elle, en elle. Lui, soldat fougueux, joue à la guerre comme un enfant et ordonne sans conscience. Il vainc les dernières résistances de l’ennemie à la peau douce. Il a le génie de la guerre charnelle, et lorsqu’il sent les ongles de l’amante plantés dans son dos, il sait : la fin approche. Alors il peut s’abandonner et s’étouffer dans le grand manteau de la nuit.
Violence. Fulgurance. Lumière.
Des champs de bleuets. La jouissance est un champ de bleuets qui hurlent, jaillis de leurs racines, raides et nés sur la terre pour la première fois. Leurs fleurs éclatent dans une douceur infime, frêles et fières. Leurs cris fendent puis brisent les murs de la chambre. Ils sont la pâleur bleutée de l’éphémère et la clarté blanche de la violence. Les bleuets signent l’armistice et laissent les amants délivrés, les corps soupirant et les cœurs battant. Et l’espace d’un nouveau monde de pureté et de douceur, d’espérances et de nouveaux repères s’ouvre, car le vieux monde a disparu.

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